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Arles
2007
Depuis maintenant
plus d'une semaine, la petite cité camarguaise d'Arles s'est transformée en
véritable "ville-galerie". Les plus beaux sites de la ville accueillent en ce
moment, et jusqu'au 16 Septembre, plus de cinquante expositions, favorisant un
éclectisme qui saura satisfaire tous les amateurs de
photographie.
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En 2006, les
Rencontres d'Arles avaient accueilli plus de 50000 spectateurs, confirmant, si
cela était nécessaire, que le festival se pose comme un des événements
incontournables de la photographie en France. Cette année, le choix des artistes
ne s'est pas fait sous l'égide d'un seul commissaire comme cela avait été le cas
en 2006 avec Raymond Depardon. Cette fois-ci, le festival s'ouvre à des styles
très différents, mêlant documentaire et photo plasticienne, numérique et
argentique, couleur et noir & blanc. A l'honneur pendant ces Rencontres, les
photographies indiennes et chinoises, symboles d'un renouveau artistique pour
des pays vivant dans un bouleversement quotidien. Revoirfoto a aussi fait le
choix de la sélection, mettant l'accent sur les œuvres nous ayant le plus
marqué, le plus touché. Rencontres, donc, avec une création toujours plus vaste
et toujours plus riche.
"Dashanzi Art District". La Chine
est représentée à travers quatre expositions regroupées sous le titre Dashanzi
Art District. Dashanzi est le quartier de Pékin qui, depuis 2002, se présente
comme le plus grand regroupement d'artiste de tout le pays. Véritable
"ville-atelier", Dashanzi est le symbole de cette effervescence artistique qui
agite la jeunesse chinoise mais aussi de l'esprit d'indépendance et d'initiative
qui caractérise ces jeunes artistes devenus incontournables sur la scène
artistique contemporaine. |

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Les frères Gao
sont de ceux-ci. Apparus sur la scène artistique
internationale en 1989, les "Gao Brothers" ont depuis construit une œuvre forte,
mêlant dans un plaisir jubilatoire humour et ironie. Ne se souciant guère des
règles photographiques traditionnelles, les jeunes artistes semblent "jouer"
avec la photographie tout en portant un regard critique sur la société chinoise
en pleine mutation. La série Sense of Space (2000) met en scène des corps nus
enfermés, cloîtrés dans des placards. Les corps contorsionnés, tordus, cherche
une place dans un univers clos, illustrant avec poésie une des première
problématique des citadins chinois. Chai-na/China
est une réflexion sur la ville chinoise, caractérisée aujourd'hui par les
contrastes forts entre tradition et modernité. 25 artistes ont questionné la
capacité de la ville chinoise à détruire massivement les anciennes constructions
pour les remplacer aussitôt par des immeubles de verre dans le pur style global
international. Les expositions chinoises des
Rencontres donne un riche aperçu de la ferveur créatrice des jeunes artistes de
Pékin. Il ne s'agit pas de représenter uniquement l'art de Dashanzi mais de
rendre compte d'une transformation sociale en cours dans un pays que l'on
connaît trop peu.
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"India". A l'occasion du
soixantième anniversaire de l'indépendance de l'Inde, Arles a choisi de
s'intéresser aux nouveaux photographes indiens. En tout, neuf expositions sont
consacrées à la nouvelle photographe indienne qui commence aujourd'hui à
dépasser ses frontières.
Raghu
Rai apparaît comme le
photographe "star" de cette rétrospective avec une exposition, "Reflets de
l'Inde", en solo au palais de l'archevêché. En couleur et noir et blanc, Raghu
Rai fait le portrait d'une Inde qui opère le mélange entre tradition et
modernité. En portant un regard tendre sur ses contemporain, le photographe
illustre cette mutation de la société indienne qui s'ouvre de plus en plus,
parfois malgré elle, à la société occidentale.
"Je crois que le travail du photographe
consiste à insérer une tranche du monde dans un cadre, avec tant de fidélité et
d'honnêteté que s'il devait la reposer à sa place, le monde reviendrait à la vie
sans un heurt." Ces quelques mots de Raghu Rai illustrent bien la tendance
plutôt "documentaire" des photographes indiens présentés à Arles, en comparaison
avec leurs homologues chinois. En effet, l'approche de ces photographes est
très différente, davantage portée sur eux-mêmes que sur des sujets politiques.
Nombre de leurs images portent sur la cellule familiale. Les enfants, l'épouse,
les parents et grands parents sont les sujets de la plupart des photographes
présentés dans l'exposition. Le travail de Jeetin
Sharma, avec sa série Arnav & Anya en est un très bon exemple. Depuis 2005,
ce père de famille photographie ses enfants, construisant petit à petit le
portrait touchant, émouvant et parfois drôle d'une famille indienne. "En 2005,
j'ai commencé à photographié mon fils Arnav qui avait tout juste trois ans.
Anya, ma fille, venait tout juste d'entrer dans nos vies. Regarder Arnav,
c'était d'une certaine façon regarder mon enfance se rejouer. J'était intrigué
par ses habitudes et par sa relation avec le monde qui l'entourait. A
l'époque, bien que connaissant la photographie, je n'avais jamais essayé de
faire des images personnelles. Photographier mon fils est devenu un mode
d'exploration méthodique et régulière de mon propre espace familial."
L'Inde est sans doute l'un des pays qui a été
le plus photographié par les reporters occidentaux dans les cinquante dernières
années mais la représentation photographique de ce pays et de ses coutumes
ancestrales s'est toujours obstinée à le montrer sous le même angle, mettant en
avant tantôt l'extrême pauvreté, tantôt les palais anciens, excluant la plupart
du temps toute trace de modernité. Le regard de ces jeunes photographes (ayant,
pour la plupart, entre 30 et 35 ans) apporte un regard nouveau sur une société
qui franchit le pas de la modernité. |

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Le prix
"Découvertes". Cette année les Rencontres ont fait appel à plusieurs
personnalités de la photographie contemporaine -Brice Curiger, Alain
Fleischer, Johan Sjostrom, Thomas Weski, Anna Wilkes Tucker - pour présenter
une sélection de photographes dont le travail a récemment été découvert ou
mérite de l'être. Quinze auteurs ont ainsi été présentés et soumis au vote des
professionnels.
Laura Henno, présentée par
Alain fleischer, a remporté le prix. Portraits de jeunes adolescents au regard
trouble, figés dans des attitudes étranges laissant transparaître une forme
d'angoisse presque palpable, ces images s'inscrivent dans ce qui est aujourd'hui
devenu la tradition du "portrait plasticien".

Joseph Mills, présenté par
Anna Wilkes Tucker, présente un travail radicalement différent. Utilisant le
photomontage, Mills crée une œuvre originale, mêlant peinture et photographie,
empreinte d'horreur et de poésie. Ses images sont des portraits de monstres –
femmes à tête de chien, tête de vieillard avec un corps d'enfant, personnages
torturés sortant tout droit d'un Freak Show. Echappant à toutes sortes de
définitions, les images de Mills sortent du champ spécifique de la photographie
pour créer une œuvre complexe et dense, beaucoup plus proche de la poésie que du
récit.

Une histoires de
rencontres.
Bien plus qu'un simple festival,
c'est bien de rencontres qu'il s'agit à Arles. Rencontres avec les photographes,
avec les professionnels, avec les étudiants, bref, avec tous ceux que la
photographie questionne, intéresse, surprend…
Bien sûr, la semaine d'ouverture
n'échappe pas à l'ambiance branchée des grands évènements de l'été, tout le
"gratin" de la photographie étant présent. Mais le plaisir de l'image est là
pour tout l'été, les expositions étant ouvertes jusqu'au 16 Septembre, laissant
le temps à chacun de voir les oeuvres à son rythme, loin des paillettes du monde
de l'art.
Alberto Garcia-Alix, icône trash et
médiatique de cette édition, présenté à l'occasion du dixième anniversaire de
PhotoEspana, résume, à travers ses images, l'esprit avec lequel est pensé cet
événement majeur de la photographie : "La photographie ne m'a pas permis de
sortir de la drogue. Mais elle m'a obligé à regarder. Et elle m'a offert des
rencontres."
Jórdi Gourbeix |
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